Le tissage, tricotage, étulage, ou comment fabriquer du tissu à partir du fil

Pour fabriquer un tissu, la 1ère étape est d'obtenir des fibres comme par exemple du coton (voir "Au tout début il y a la fibre"). Cette dernière est obtenue sous forme de boules qu'on va filer pour obtenir le fil (voir De la fibre au fil : le filage). Une fois le fil obtenu,il faut créer la trame du tissu. Une fois cette étape passée, le tissu est quasiment utilisable.

 

 

Il y a 4 méthodes pour obtenir la trame à partir du fil : le tissage, le tricotage sont les 2 principales. 2 autres méthodes sont utilisées : l'étulage, et certaines méthodes industrielles permettant d'obtenir des tissus non-tissés. Il y a donc 4 grandes familles de tissus :

  1. Les tissus chaines et trames, fabriqués sur des métiers à tisser.
  2. Les tissus mailles ou tricotés fabriqués sur des machines à tricoter.
  3. Les tulles, fabriqués sur des machines à étuler.
  4. Les tissus non tissés.

 Je vais commencer par vous parler des tissus chaines et trames, qui sont les plus courants, puis des tissus mailles. Je vous présenterais ensuite rapidement les tulles et les tissus non-tissés.

 

Les tissus chaines et trames

 

Petite histoire du tissage

Les 1ères techniques de tissages remontent à la sédentarisation. Il est probable que c'est le tressage des fils qui en est l'origine. La tresse consiste à croiser des fils entre eux pour constituer quelque chose de plus grand, de plus solide. Le tressage se fait à 3 fils ou plus.


Le tissage consiste également à croiser des fils entre eux, mais suivant des schémas différents de ceux du tressage (on le verra plus loin), cependant le principe est le même. A l'origine, les tisseurs produisaient des bandes étroites de tissu qui étaient ensuite cousues entre elles pour créer des pièces plus larges. Certains villages africains dépourvus d'industrie pratiquent encore aujourd'hui cette technique traditionnelle.

 

La fabrication d'étoffes est très importantes dans toutes les cultures, ces dernières permettent de se couvrir, de se tenir chaud, mais également de montrer sa richesse, sa position dans la société. A l'antiquité, l'activité de tisser se retrouve donc un peu partout dans le monde. En Grèce et en Mésopotamie, des traces de grands ateliers de tissages ont pu être retrouver. Chose étonnante, on a pu montrer qu'en Mésopotamie, ce sont les hommes qui travaillaient dans ces ateliers, alors qu'en Grèce, ce sont les femmes 👽.

Au Moyen Age, le tissage est très développé partout. De nombreuses techniques sont utilisées et le commerce du tissu est florissant. Entre le 10ième et le 14ième siècle, le tissage connaît des améliorations techniques, particulièrement avec l'apparition du métier à tisser à marche qui fonctionne avec un jeu de pédale accélérant considérablement la vitesse de production.

Au 18ième et au 19ième siècle, le tissage s'automatise grâce aux travaux de Richard Arkwright. Cet inventeur anglais dépose le 1er brevet de machine à tisser automatique en 1769. Il s'agit de la Water Frame qui est en fait une machine à filer remplaçant le travail des mains par des cylindres (voir "de la fibre au fil : le filage"). Cette invention complète celle de la navette volante de Paul Lewis en 1746. Ces 2 grandes inventions ouvrent la porte à la création des 1ères manufactures mécaniques dès 1786 !

 

Tout ceci se passe au nord de l'Angleterre (cf "de la fibre au fil : le filage"). Les inventions anglaises ont permis d'enclencher la révolution du textile, et de produire du tissu en masse. Que faisait la France à ce moment là ? Les 1ères manufactures mécaniques ouvrent leurs portes en 1786, comme en Angleterre. Mais la France est alors aux portes d'une révolution qui va la transformer en profondeur. Il s'agit cette fois d'une révolution politique et sociale qui n'a rien à voir avec le tissu. Cette dernière va durer 5 ans et, quand elle se termine en 1794 à la chute de Robespierre, la France est économiquement détruite. Un autre homme fort arrive alors au pouvoir : Napoléon Bonaparte, d'abord au gouvernement en tant que Directeur au sein du Directoire (1794 - 1799), puis de 1er Consul au sein du Consulat (1799 - 1804), et enfin d'empereur à partir de 1804. Bonaparte décide de moderniser les manufactures françaises.

D'ailleurs, savez-vous pourquoi Napoléon a toujours la main dans son gilet ? On a souvent parlé de mal au bidou. Bon, il avait un cancer de l'estomac, mais ce n'est très probablement pas la raison. La bienséance en serait plutôt la cause : laisser pendouiller ses bras sur le côté tel le gueux du village d'à côté est impoli, et les vêtements n'ont pas de poche ! Habituellement, les messieurs ont une canne. Mais quand on n'en a pas, cette position du bras est bien pratique. On a également dit que Napoléon étant petit, cette position lui donnait plus de prestance.  Mais, la aussi, c'est une légende ! Napoléon n'était pas si petit que ça puisqu'il mesurait 1m69 à une époque où la taille moyenne pour les hommes étaient de 1m65😉

 En 1801 un inventeur lyonnais du nom de Joseph-Marie Jacquart (je suis sure que ce nom de famille vous rappelle un tissu !!!) a une idée géniale. Il trouve que le métier à tisser venant d'outre-Manche est très bien, mais insuffisant, qu'on peut ENCORE l'améliorer ! En effet, il tisse plus facilement, MAIS il faut encore gérer les fils, c'est à dire qu'il faut sélectionner les fils avant le tissage ce qui reste un énorme travail ! Il invente un système de cartes perforées qui permet d'automatiser la sélection des fils avant le tissage. C'est le 1er métier à tisser programmable. Cette innovation, qui s’apprête à connaître un succès international, annonce un âge d’or du textile français, dont le développement sera fortement soutenu par l’Empire.

 

Petite analogie intéressante : avez-vous entendu parlé des 1ers ordinateurs ? Vous voyez, ce genre là, celui qu'on voit dans le film "Les Figures de l'Ombre".

Ma directrice de thèse m'a raconté plusieurs fois que, au tout tout début de sa carrière, ils n'y avait pas d'ordinateur individuel dans les bureaux. Chacun écrivait son programme sur papier, puis allaient faire perforer des cartes de programmation. Ces dernières étaient ensuite insérées dans l'ordinateur pour faire tourner le programme! Jacquart était un vrai visionnaire !


Les armures des tissus chaines et trames


Le métier à tisser 


Comment prépare t-on un métier à tisser

Le métier à tisser utilise plusieurs fils, il peut y en avoir des centaines ! La 1ère étape consiste donc à trier les bobines et à les installer sur un cantre, c'est à dire sur une sorte de grand porte bobine, comme celui ci-dessous. Il en existe plusieurs sortes, de formes différentes ou contenant un nombre plus ou moins important de bobines.


Les bobines sont ensuite dévidées et le fil est installé sur l'ensouple du métier à tisser (cylindre sur lequel sont enroulés les fils de chaine). C'est ce qu'on appelle l'ourdissage.
Une fois l'ourdissage terminé, les fils sont plongés dans un produit de synthèse afin de les rendre plus rigides et plus faciles à tisser. Autrefois, on utilisait de l'amidon qui a les mêmes effets. Le fait est que le tissu obtenu est enduit d'un produit qui le rend plus rigide, pire, qui fixe la forme et la position des fils qui le composent ! Et voilà pourquoi si vous ne lavez pas votre tissu avant de le travailler, vous risquez de mauvaises surprises 😕!

Et maintenant, tissons !

Malgré les progrès mécaniques qui ont eu lieu au cours des siècles, le fonctionnement de base du métier à tisser est resté le même : un ensemble de fils sont tendus sur le dessus avec la tension désirée. On utilise ensuite une navette (à gauche sur la photo) qui va passer à travers les fils tendus sur le métier, et suivant un schéma précis qu'on appelle l'armure (je vous détaille ça un peu plus loin) et qui défini le tissu tissé par le tisserand.

 

Le saviez-vous : Le droit fil correspond à la direction des fils de chaine du tissu, c'est à dire à ceux qui sont tendus sur le métier à tisser. La tension de ces fils est réglée lors du montage des fils sur l'appareil. Par la suite, elle ne bouge plus. Le fil de trame, lui, est passé entre les fils de chaines à la main par le tisserand. La tension de ces fils n'est donc pas homogène.


 

Les différentes armures 

 

Comme je viens de vous l'expliquer, la navette passe à travers les fils de chaine suivant un schéma précis. Il peut par exemple passer au-dessus du 1er fil d'une rangée, en-dessous des 4 suivants, puis au-dessus du 5ième fil, ou encore passer au-dessus du 3ième fil d'une rangée, en-dessous des 2 suivants, puis au-dessus du 5ième fil. En fait, les possibilités sont infinies. Le schéma que suit la navette quand elle passe à travers les fils de trame est ce qu'on appelle l'armure du tissu. Cette dernière va définir le tissu obtenu.
 
Il existe 3 armures fondamentales :
  1. La toile, qui est la plus répandue.
      2. Le sergé, qui est caractérisé par sa solidité.
 
      3. Le satin, qui est caractérisé par sa brillance.

 Voyons ces différentes armures en commençant par la toile.

 La toile

 

L'armure de la toile se construit comme sur le schéma ci-dessous. Les fils de chaine sont représentés en bleu, les fils de trame en orange. On voit que ces derniers passent SUR le fil de chaine, puis EN-DESSOUS, et ainsi de suite. On dit qu'il passe dessus, dessus, ou qu'il y a un pris et un sauté, ou encore un pris pour un laissé.
 

Au fur et à mesure du tissage, l'armure de la toile apparaît :


Dans cette catégorie, vous allez pouvoir trouver des tissus très différents en fonction de la taille, la nature, la torsion et le nombre de fil. Ainsi, les cotons, le taffetas, la popeline, la percale par exemple auront des armures de toile.


Le sergé

Le sergé se tisse sur 4 fils de chaine : il y a un pris pour 3 sautés. Sur le schéma ci-dessous, vous pouvez voir que le 1er fil de chaine est pris, alors que les 3 suivants sont sautés.

Au fur et à mesure du tissage, on va voir apparaître une armure avec un schéma en diagonale. Cette dernière est très caractéristique du sergé. Cependant, ce dernier peut avoir des armures avec des schémas différents, comme des chevrons ou des losanges.


Avec cette armure, on obtient des tissus plus résistant, plus fluide, plus souple qu'une toile. Dans cette catégorie, vous trouverez le denim, la flanelle, la gabardine, le tweed, ...


Le satin

Le satin est un tissu lisse et brillant. Il se tisse sur 5, 8 ou 11 fils de chaine. Sur le schéma ci-dessous, le tissage se fait sur 5 fils de chaine. Le 1er fil est pris et les 4 suivants sont laissés.


On représente souvent l'armure d'un tissu sous cette forme. Ici, les carrés noirs représentent les fils de chaine pris, et les carrés blancs les fils de chaine laissés. Contrairement au cas du sergé, aucun schéma ne se dégage sur cette armure. C'est pour cette raison que le satin est lisse et brillant.

 

Voilà ce qu'on peut faire avec un métier à tisser. On peut voir qu'on couvre ici une bonne partie des tissu. Cependant, comme je l'ai écrit au tout début de cet article, il existe d'autre façon de fabriquer du tissu, comme par exemple le tricotage.


Les tricotés

Les tissus tricotés ou tissus mailles sont des tissus formés.... de mailles, comme un tricot.


Bien entendu, il est impossible de fabriquer un tissu tricoté avec un métier à tisser. Ce dernier est fabriqué sur une machine à tricoter.

Je ne vais pas détailler l'histoire du tricot, ni les techniques de tricotage aussi longuement que celles du tissage. Cet article serait interminable ! Sachez cependant que l'origine du tricot, comme dans le cas du tissage, provient probablement du tressage. Le tricot et le tissage se sont ensuite développés en parallèle au cours des siècles, jusqu'à la création de machines permettant l'automatisation de ces 2 techniques.

Les machines à tricoter existent de toutes les tailles, les plus petites étant réservées à un usage domestique. Vous en avez peut être déjà vu chez vos grands mères. La mienne en avait une, qu'elle détestait. Elle n'en tricotait pas moins avec des pulls et des écharpes avec pour ses 24 petits-enfants. Ces machines peuvent être linéaires ou circulaire, chacune permettant de produire un tricot plus ou moins épais, plus ou moins dense et en plus ou moins grande quantité.

Une machine à tricoter fonctionne avec 1 ou 2 fontures. Une fonture est un ensemble d'aiguille disposées côte à côte. On les voit bien sur la photo ci-dessus. Chaque fonture peut accueillir jusqu'à 180 aiguilles. Si la machine à tricoter compte 2 fontures, alors celle qui se trouve à l'avant tricote sur l'endroit, et celle qui se trouve à l'arrière tricote sur l'envers. Si il n'y a qu'une seule fonture, alors cette dernière tricote sur l'endroit ET sur l'envers.

Une machine à tricoter comporte également un chariot, qu'on peut apercevoir à droite sur la photo. Ce dernier passe d'une aiguille à l'autre et permet la formation des mailles. Voilà le schéma obtenu :

Dans les tissus mailles, vous trouverez les jerseys, l'interlock, le bord côte, le micro-fibre, la charmeuse, ...

 

Les tulles

Les tulles sont produits avec une machine à étuler. Ces dernières utilisent des fibres synthétiques pour former un tissu transparent. On les trouve souvent de toutes les couleurs. Ils sont particulièrement utilisés pour fabriquer les tutus des danseuses ou les voiles des mariées.



Les non-tissés

Dans le cas des tissus non-tissés, on mélange les fibres, puis on les assemble avec un procédé thermique, mécanique ou chimique. Dans cette catégorie, vous trouverez les entoilage, la ouatine, les renfort de col, le feutre, la feutrine, ...


Voilà pour cette 3ième étape. Nous sommes passés du fil à un tissu brut. Il va à présent falloir ennoblir ce tissu si on veut obtenir une pièce utilisable. A suivre 😊


 

 


 


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